Under the High Patronage of His Majesty NORODOM SIHAMONI, King of Cambodia

9 Jan

Le petit journal – Airavata poursuit ses engagements pour sauver l’éléphant Bak Maï

LePetitJournal.com a rencontré Pierre-Yves Clais, vice-president de l’association Airavata qui poursuit ses engagements pour sauver Bak Maï. Une campagne de crowdfunding est en cours afin d’assurer un meilleur avenir à l’éléphant.  

Bak Maï quittant sa prison de boue

Où en est le sauvetage de Bak Maï ?

Bak Maï est maintenant sauvé « physiquement », il est arrivé à Ratanakiri depuis plus d’un mois et se refait une santé en mangeant beaucoup et en se reposant. Nous pensons qu’il lui faudra au moins deux mois de plus pour rattraper son poids de forme. Ce qui prendra du temps c’est de le réhabiliter, faire en sorte qu’il redevienne un éléphant domestique le plus « normal » possible. Les experts étrangers qui nous conseillent affirment qu’il faut environ un an. Je dois dire qu’ils tempèrent beaucoup notre optimisme initial ! Depuis qu’il est arrivé, Bak Maï s’est vraiment comporté en amour, sans aucun signe d’agressivité ; mes enfants, ma femme et moi-même avons beaucoup interagi avec lui, ma fille de 13 ans l’a cornaqué elle-même avec beaucoup de facilité, mais nous avons été rappelés à l’ordre par nos « experts » ! Il est trop tôt pour ce genre de partage, Bak Maï a besoin d’être avec ses cornacs et de travailler normalement, il n’est pas conseillé de le faire interagir avec trop de monde.

 
À quoi a-t-il échappé exactement ? 

Bak Maï a tout simplement échappé à la mort. La famille du cornac souhaitait se venger en le faisant mourir de faim puis se dédommager en vendant son ivoire. Aucun autre sanctuaire d’éléphants n’en voulait, par manque de moyens, mais aussi par peur. Seul le zoo de Phnom Tamao a indiqué qu’il voulait bien le recevoir, mais à titre gratuit, ce qui n’était pas une option pour les 12 familles propriétaires de l’éléphant. Bak Maï est alors resté plusieurs semaines enchainé dans la boue jusqu’à mi-jambe, nourri uniquement grâce à la générosité de l’ONG ELIE qui lui amenait, quand elle le pouvait, un peu d’eau et de nourriture.

Bak Maï « au spa »

 
Bak Maï est-il dangereux, comment expliquez-vous qu’il ait tué son cornac ?

Bak Maï doit, à priori, être considéré comme imprévisible, il faut savoir déchiffrer son comportement, ce qui est l’affaire de ses cornacs. Ce qu’il a fait à Mondolkiri est la conséquence d’une longue série d’incompréhensions et de peurs de la part de ses anciens propriétaires. Tout a commencé il y a plus de trois ans quand une femme âgée s’est mise entre lui et une femelle qu’elle n’avait pas vue arriver. Bak Maï l’a fait tomber par terre et l’a piétinée en allant vers la femelle. La dame n’est pas morte, mais la peur s’est installée dans les esprits de ses propriétaires qui l’ont alors enchainé tout seul dans la forêt pendant trois ans en le changeant d’endroit de temps en temps. Il y a un peu plus de trois mois, il s’est échappé, a renversé une maison en bois en se fichant un clou de 10 cm de long dans la trompe puis a disparu à la poursuite d’une autre femelle. Son ancien cornac, en état d’ébriété, a alors décidé de se lancer seul à sa poursuite contre l’avis de tout le monde. On l’a retrouvé mort. On n’en sait pas plus mais il faut bien reconnaître que les chances de succès de cette expédition étaient d’emblée fort minces !

Le clou retrouvé fiché dans la trompe de Bak Maï

Bak Maï avec Phlal, son nouveau cornac

Comment se porte aujourd’hui Bak Maï ? 

Bak Maî se porte à merveille, du moins aussi bien que cela se peut pour un éléphant qui est parti de Mondolkiri dans un tel état de maigreur. Durant le trajet, il avait déjà repris des forces et un peu de poids et depuis, il poursuit sur sa lancée.

La campagne de fundraising d’Airavata vise 29 000 USD (Generosity), quels sont les différents postes de dépense ?

Il y a tout d’abord le prix d’achat de Bak Maï, assorti des divers papiers et autorisations nécessaires à son transfert. À cela s’ajoute la venue d’un spécialiste français pour travailler sur Bak Maï avec nos autres éléphants dans l’optique de renforcer les compétences de nos cornacs. Il y a aussi les les frais propres aux négociations avec des allers et retours entre les deux provinces pour nos équipes et les familles de Mondolkiri qui ont fait le voyage avec Bak Maï, leur dédommagement pour avoir effectué ce voyage, des sacrifices et des cérémonies rituelles animistes (dont une a nécessité un cochon de 60 kilos), des tranquillisants commandés en Australie et qui finalement n’ont pas été utilisés.

Quel avenir Airavata pourra-t-elle assurer à Bak Maï ? 

Idéalement, l’avenir de Bak Maï est le même que celui de nos autres éléphants, c’est à dire vivre et travailler légèrement dans son environnement naturel, la forêt d’Okatieng à six kilomètres au Sud de Banlung. Dans la mesure où nous avons trois jeunes et beaux mâles avec un intéressant patrimoine génétique et une seule femelle, nous avons le projet de les mettre en présence d’autres jeunes femelles à vue de reproduction, il ne reste en effet que 69 éléphants domestiques au Cambodge et 200 en forêt avec tous les risques que l’espèce s’éteigne rapidement !

Par contre, une menace bien réelle plane sur notre projet : la déforestation et les coupeurs de bois. Depuis que nous avons lancé Aïravata, nous avons reçu le soutien inconditionnel de toutes les autorités cambodgiennes, à commencer par Sa Majesté le Roi qui nous a accordé son Très Haut Patronage. C’est en fait au niveau local que ça se complique un peu, une petite partie des villageois du coin s’enrichit grâce au trafic de bois et ne veut surtout pas de témoins gênant dans cette petite forêt résiduelle, la seule subsistant encore dans cette partie de la province ! Ils accusent donc nos éléphants de manger tout le bambou de cette forêt de 500 hectares et d’empêcher les villageois de récolter tranquillement les pousses et racines dont ils améliorent traditionnellement leur ordinaire. Le vrai problème, reconnu publiquement par le chef de la communauté en charge de la protection de la forêt, est justement qu’elle n’est absolument pas protégée et que les arbres disparaissent à une cadence croissante ! Ce trafic est très profitable pour certaines familles qui influencent ou intimident les autres afin que rien ne change. Des menaces contre les éléphants ont été proférées et nous les prenons sérieusement, ce ne serait pas première fois à Ratanakiri qu’un éléphant serait empoisonné !

Notre projet est pourtant d’associer les villageois au développement « écotouristique » de l’endroit à travers différents programmes, mais cela exige travail et patience, toutes choses dont on se passe fort bien quand on possède une tronçonneuse… Nous ne baissons cependant pas les bras et continuons de chercher une solution avec les autorités, la province aurait trop à perdre avec la disparition de ses derniers éléphants et de la dernière forêt proche de Banlung !

 
En savoir plus sur Bak Maî et la fondation Airavata : 

Site web : www.airavata-cambodia.com

Page Facebook : https://www.facebook.com/airavataelephantfoundation/?fref=ts

Pour soutenir Bak Maï : https://www.generosity.com/animal-pet-fundraising/save-bak-mai-the-troubled-elephant

Propos recueillis par Nimith Chheng, lundi 9 janvier 2017

(www.lepetitjournal.com/cambodge)

http://www.lepetitjournal.com/cambodge/societe/267552-societe-airavata-poursuit-ses-engagements-pour-sauver-l-elephant-bak-mai